Chacalté – Projet autonome de CASIRA – 7 octobre 2013
Rencontre de
deux hommes "engagés"
Au cours de notre séjour
à la ferme agricole de Chacalté, Suzanne et moi avons rencontré
deux hommes impliqués dans un projet autonome de CASIRA, deux hommes
dynamiques avec un objectif bien précis : inciter les femmes à
se prendre en mains pour l’amélioration de leur condition avec le
projet du moulin à maïs. Ce moulin est un outil qui permettra cette
réalisation : il sera géré, administré et opéré par les femmes.
Ainsi, en améliorant la condition des femmes, c’est la condition
de vie de toute la communauté qui est visée, i.e. l’amélioration
de vie communautaire passe par les femmes.
Tout a commencé en 2012 : c’était
leur première rencontre au sein d’un projet CASIRA au Guatemala.
Une chimie a soudé la complicité des deux hommes, Gaëtan et Onil.
Ce sont les deux instigateurs du projet du moulin à maïs. Gaëtan a
mentionné à Onil que s’il trouvait le soutien financier, il
développerait le projet. Et le projet du moulin à maïs est devenu
réalité. Deux hommes généreux, dévoués, pleins d’idées :
hommes de terrains, ils ont su cerner les besoins de cette communauté
de Chacalté pour appuyer l’initiative des femmes. Ainsi, les
contacts de l’an dernier et la demande des femmes pour améliorer
leur sort ont été à l’origine du projet d’un moulin à maïs.
Ce moulin s’avérait un choix judicieux car ses avantages sont
multiples : diminution du coût (5 Q pour un panier), diminution de
la distance à parcourir, facilité d’accès, diminution du temps
d’attente pour moudre.
Ils ont ensuite rencontré le maire du
village, ils ont discuté avec la direction d’écoles et les
professeurs afin de cerner les besoins spécifiques. Avec le moulin à
maïs, on voulait créer un espace communautaire autour du service de
santé, de l’école, du lavoir publique. L’alimentation en eau et
électricité demeure toujours problématique mais des solutions sont
envisagées. Un comité initial de 14 femmes s’est formé pour
prendre en charge le moulin et prévoir son maintien en créant une
caisse d’économie.
Lors de la présentation du projet par
Gaëtan et Onil, nous avons constaté une volonté, une énergie et
un engagement des femmes envers le projet. Ces femmes veulent prendre
leur destinée et celle de leur communauté en mains, même si cela
va parfois à l’encontre de la tradition : le pouvoir donné aux
femmes, la décision des femmes et la place qu’elles veulent
prendre dans leur communauté. Gaëtan, homme terrain a mis de
l’avant le projet avec Onil, homme de la situation pour trouver les
ressources financières grâce à ses nombreux contacts. Les deux
font la paire : une équipe marquée par la complicité et la
complémentarité, deux éléments essentiels pour la réussite du
projet.
En remettant la responsabilité du
moulin à maïs entre les mains de la communauté, cela impliquait de
donner le leadership aux femmes et garantirait la poursuite et le
succès du projet tout en incluant la formation de la relève.
L’objectif serait atteint : redonner le pouvoir à la communauté!
Suzanne et Lise à l’école de
Chacalté
À l’invitation de Gaëtan et d’Onil,
nous avons visité l’école du village. Pendant qu’ils discutent
avec les responsables, Suzanne et moi circulons dans la classe de
première. D’abord timides et réservés, les enfants sont
rapidement à l’aise quand Suzanne demande à les photographier.
Ils s’appellent Beverly Mishelle, Chun Sontay, Juan Carlos Tiul
Pop, Daarin Alejandra PopXol, Heti Tiul Tahuico, Danilo, Kevin
Gudiel, Delmi Graciela Raymando, Ics, Sandra Sontay, Sandra, Venacio
Migiu, Dilia, Araseli Yanira, Gladi, Izica, Tico Azul. De beaux
enfants au teint bronzé, souriants, aux grands yeux expressifs! Mon
rudiment d’espagnol me permet d’entrer en contact : je leur
demande leur nom, leur âge; quand je ne comprends pas, ils
l’écrivent avec fierté dans le cahier de Suzanne. Deux petites
filles se tiennent la main, deux autres par le cou, des garçons
courent et veulent attirer notre attention : Suzanne capte les images
d’enfants en action ou en petits groupes, ils veulent tous être
pris en photo! Ils sont curieux de nous voir, nous les ‘’les
étrangers’’, ils nous touchent, ils nous observent… La
communauté Q’eqchi’ s’est réunie à l’école pour entendre
les discours : des parents, debout ou assis à l’extérieur
attendent, ils ont le temps! Une mère allaite son petit, une autre
tient son enfant dans les bras, un père a son fils sur les genoux…
C’est presque tout le village qui est là.
L’atmosphère qui règne dans la
classe est fébrile : des élèves sont assis à leur pupitre,
d’autres debout autour du professeur, certains courent, et tout
cela dans un tintamarre de voix et de bruits. Le professeur vient de
distribuer un exercice à compléter sur les sciences de la nature.
Assise au fond de la pièce, j’observe : un attroupement au bureau
du professeur tandis que des enfants viennent me montrer leur copie;
je leur fais lire leur nom, la date, leur groupe et la réponse à la
question : les enfants se consultent, vérifient leur réponse, nous
lisons ensemble les réponses. Suzanne est partout pour capter ces
images.
À la récré, les enfants jouent aux
billes, courent, jouent à la pelota (lire futbol); un terrain de
basket est aussi délimité. En ce 7 octobre, c’est la dernière
semaine d’école avant la reprise de janvier prochain : l’invierno,
la saison sèche, s’installe peu à peu.
La classe de première année compte 33
élèves de 6 à 10 ans. Le professeur y enseigne en matinée, et
l’après-midi, elle enseignera à la classe du secondaire.
J’apprends qu’il y a près de 270 élèves qui fréquentent
l’école primaire et secondaire et que le salaire du professeur est
de 1 000 Q par mois, soit l’équivalent de 142$ CA.
Les discussions avec les responsables
sont terminées. Aujourd’hui, Gaëtan et Onil ont une double
annonce à faire à la communauté réunie. D’abord, Onil dévoile
le plan de la construction d’une nouvelle école dédiée aux
enfants de la maternelle et de la pré-maternelle, les "barboritos";
c’est l’école qui se trouve actuellement dans des baraquements.
Ce projet est tout à fait inattendu pour la communauté : il a été
rendu possible grâce aux généreux donateurs québécois. Ce sera
une école pré-fabriquée au Québec, faite à partir de panneaux
résistants au climat et aux tremblements de terre; de plus,
l’utilisation d’un matériau spécial permettra la récupération
de la fraîcheur pendant la nuit pour la diffuser pendant le jour.
L’annonce du second projet, la donation du moulin à maïs, a
suscité encore beaucoup de questions dans la communauté. On a
expliqué longuement que le moulin appartient à la communauté et
que les femmes (comité des 14 créé l’an passé) en auront la
gestion et l’entretien. Elles en choisiront l’emplacement, elles
en auront la gestion. Nous avons vu Cristina, la représentante du
comité, agir en leader et prendre l’initiative de certaines
discussions. Les discours se succèdent, tantôt en espagnol, tantôt
en Q’eqchi’: celui de Julio l’ancien maire, du maire actuel, de
la directrice d’école, de l’ancien du village, chacun
mentionnant les avantages du projet et remerciant Gaëtan et Onil
ainsi que les donateurs "canadiens".
Qu’avons-nous vu au cours de cette
matinée ?
Suzanne et moi voulions vivre une
expérience de coopération, de bénévolat et d’entraide en nous
impliquant dans la communauté guatémaltèque. CASIRA répondait à
ces objectifs et permettait aussi d’améliorer notre espagnol pour
mieux communiquer avec les gens. Par ailleurs, nous voulions une
réponse à la question : comment est utilisé l’argent des
donateurs. Notre visite à l’école nous a permis de voir de façon
concrète comment était utilisé cet argent. Le moulin à maïs
répond vraiment aux besoins des femmes : nous les avons vues
s’impliquer dans les discussions, donner leur idée et décider de
l’emplacement du moulin pour leur sécurité et la proximité.
Nous avons vu l’école primaire
délabrée, sans toilettes : les dons serviront à la rafraîchir et
à la repeindre, le toit sera refait, les grillages remplacés, des
toilettes sont prévues. Quant à la nouvelle école, elle sera plus
grande, plus sécuritaire et on pourra accueillir un plus grand
nombre d’enfants dans ses nombreuses classes : ce sera une école
propre, plus accueillante, un environnement scolaire dans le respect
de l’enfant et de son développement.
Voilà des exemples concrets de
réalisation grâce aux généreux donateurs. Nous avons vu que cela
pouvait changer les choses, voilà pourquoi nous reviendrons et que
nous donnerons. Nous avons été des témoins. Nous avons constaté
qu’en offrant l’éducation, on pouvait améliorer les conditions
de vie qui permettent l’épanouissement de toute une communauté.
De plus, ces projets pourraient être imités et reproduits dans
d’autres communautés indigènes. L’économie prise en charge par
les femmes est un "outil fondamental" pour atteindre
l’objectif : amélioration de la vie de la communauté.
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