samedi 23 novembre 2013

Chroniques d'Onil/2 Une journée à Florès

Il n'y a personne à la terrasse du café qui donne directement sur la rue à sens unique qui longe le lac Peten-Itza. Je bois lentement un jugo de naranja (jus d'orange).
Dans sa barque, accostée au quai, un homme me fait un signe de la main et m'indique son embarcation. Je lui fait signe de s'approcher. Il vient lentement et, dirais-je,  doucement, et demande la permission de franchir la grille et gravir les trois marches de la terrasse en jetant un coup d'oeil au serveur qui entérine mon invitation.
L'homme est de petite taille, mince, l'air aimable et le sourire sous-entendu, intelligent. Il a l'attitude humble, le regard convivial mais prêt a détourner les yeux devant une rebuffade.
Il s'adresse à moi en bon anglais. Je lui répond en mauvais espagnol. Il récidive en anglais, j'insiste en espagnol.
Je suis l'HOMBRE DE LA LANCHA (l'homme de la barque), fait-il et il ne vous en coûterait 200 Q pour voir le lac, les oiseaux, le développement de la rive. Comme je n'ai que le temps à regarder passer devant moi, j'accepte.
Nous parlons peu de politique qui demeure un sujet suspect, mais nous parlons beaucoup de sa vie quotidienne, agrémentée de la présence policière, de l'armée, la pêche, la protection des animaux, des gens dont il faut se méfier, surtout si on est en aide humanitaire, et en particulier de ceux qui vous saisissent la main pour montrer publiquement qu'ils vous connaissent bien et ... justement hier...
La ville de Florès s'est beaucoup policée ces dernières années passant de 2 policiers à 35.
Il m'explique l'importance des condamnations si quelqu'un porte une arme, un couteau, ou si on vous voit en contact avec un personnage inconnu ou louche.
Il écrit du doigt des chiffres invisibles sur le bancs de la lancha (la barque) m'indiquant le nombre de mois ou d'années de condamnation dans ces circomstances, tout comme il inscrit du doigt encore son âge en demandant le mien. Il me donne dix ans de moins que lui alors que j'ai dix ans de plus que lui.
Sa voix est douce, chaleureuse, un peu longue avec des teintes de tristesse ou de mélancolie rappelant l'époque ou il pouvait pêcher sur le lac alors qu'on y trouvait encore des crocodiles tués au profit des amateurs de bourse ou autres objets en peau de crocodiles. Aujourd’hui, la mort du crocodile coûte 10 ans de détention comme il vient de l'écrire sur le banc de la chaloupe.
Il m'appelle son ami québécois en bon anglais et je lui demande s'il connaît le Québec, en mauvais espagnol. Il a un ami au Québec.
Il imsiste pour prolonger la visite.
Il me montre ses animaux qu'un groupe de scientifiques tentent de protéger et qu'ils laissent partir progressivement vers la jungle à son plus grand plaisir.
Il connaît chaque oieseau et me montre un perroquet qui parle très nettement ... en anglais.
Il caresse les arbres de la main et en particulier celui qui est noir qui tue les moustiques contrairement au brun qui ne sait rien faire. Il montre cet autre qui donne à boire si on est perdu en forêt.
Il a 5 fils, dont l'un vit la-bas sur l'autre rive qu'il indique de son doigt fatigué qui a longtemps tenu la canne a pêche.
Il relance le moteur qui tousse plus que moi et qui refuse de démarrer a plusieurs reprises. La corde raidie est plus résistante que sa force physique. C'est à cause des herbages du fonds de l'eau m'explique-t-il.
Je l'assure qu'au prochain passage, je rétablirai le contact avec lui .
 Il me rappelle son nom et nous parlons tout au long du parcours de retour lui en bon espagnol et moi en mauvais espagnol.
Salut Victor.